> Quatrième de couverture <
« 19 femmes est le fruit d’une série d’entretiens que j’ai menés avec des Syriennes dans leurs pays d’asile, ainsi qu’à l’intérieur du territoire syrien. À chacune j’ai demandé de me raconter « leur » révolution et « leur » guerre. Toutes m’ont décrit le terrible calvaire qu’elles ont vécu. Je suis hantée par le devoir de constituer une mémoire des événements qui contrerait le récit qui s’emploie à justifier les crimes commis, une mémoire qui, s’appuyant sur des faits incontestables, apporterait la preuve de la justesse de notre cause. Ce livre est ma façon de résister. » Samar Yazbek.
Avec ce document unique, capital, sur le rôle des femmes dans la révolution, Samar Yazbek rend leur voix aux Syriennes, la voix de la résistance, la voix de l’espoir.
> Spécificités < - Editions : Stock - Date de parution : 426 - Nombre de pages : 11/09/2019 - Traduction : Emma Aubin-Boltanski et Nibras Chehayed
Dix-neuf femmes, dix-neuf récits et en commun, une guerre, un combat pour leurs libertés mais très souvent aussi, des blessures qui ne pourront jamais cicatriser. Les maltraitances, les emprisonnements illégitimes, les viols, rien n’est épargné aux lecteurs mais nécessaire selon moi. Au fil des pages, les circonspections et pudeurs se lèvent peu à peu.
Les rencontres sont intéressantes et diverses puisqu’on y côtoie des opposantes politiques, des journalistes, des volontaires dans l’humanitaire, des militantes pour les droits de l’Homme, des femmes ayant eu le courage de fuir vers l’Europe et de laisser tout leur passé derrière elles et le problème des passeurs. Certaines étaient alors aux études et ont dû se « recycler » dans leurs activités, notamment pour pouvoir survivre mais surtout par leur volonté et leur désir d’aider leurs prochains, sans distinction.
Même si le panorama géographique de la Syrie est assez bien « respecté » par la diversité des lieux d’origine de ces femmes au regard de la carte disponible dans les premières pages, on ne peut que constater que chacune est dotée d’un certain niveau d’études et vient de la classe moyenne, comme souligné par Samar Yazbek dans l’introduction. Pourtant, cela aurait été aussi intéressant d’avoir l’un ou l’autre témoignage de femmes, moins cultivées. La difficulté de les mettre par écrit explique peut-être cette absence. Même si l’auteure espère pouvoir un jour en faire un livre à part entière, sur ces femmes démunies, bloquées dans des camps et incapables de nourrir leurs enfants…
Alors qu’une frange raciste et négationniste refuse l’arrivée de ces réfugiés syriens, par la lecture de ce livre, ils pourraient se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un peuple d’illettrés et de brigands voulant mettre le désordre dans notre société européenne, comme certains aiment le penser et le faire croire.
De plus, comme autre point commun fort entre ces témoignages c’est la façon dont ce peuple syrien vivait en harmonie malgré les différences de confessions religieuses (sunnite, chiite, alaouite et chrétien) jusqu’aux débordements de 2011. Ensemble, lors des manifestions, ce peuple ne faisait plus qu’un (nous aurions beaucoup à y apprendre là-dessus) et il est hallucinant de découvrir cette instrumentalisation par les autorités politiques, par les extrémistes afin de semer le chaos entre eux.
On en apprend beaucoup sur de nombreux massacres, totalement éclipsés par les médias occidentaux. Par cela, j’ai pu me rendre que même si les images arrivaient aux journaux parlés au compte-gouttes relatant ce qui se passait en Syrie, on était en vérité très loin du compte des horreurs et exactions qui y sont commises !
Certains pourront trouver la lecture de ce livre, difficile et peut-être gênante mais la guerre n’est jamais rose. Je l’ai trouvé bouleversant et il m’a appris beaucoup de choses. On ne peut être que touchée par le courage de ces femmes, même si je trouve que le mot « courage » n’est même pas assez fort pour exprimer leur combat. Ce livre devrait être mis dans les mains de très nombreuses personnes.
Je concluerai cette chronique par une phrase de l’auteure qui m’a particulièrement touchée : « (…) Pour l’heure, je souhaite avant tout redonner leur voix aux Syriennes, la voix de la résistance, la voix de l’espoir. »
J’ai lu cet essai/document dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2020 - sélection Essai/Document pour le mois d’octobre. L’autre essai qui n’a, cependant, pas été retenu était « J’ai oublié » de Bulle Ogier aux éditions Le Seuil.
Ce livre m’intéresse énormément. Sans doute dur, comment peut-il en être autrement, mais instructif. J’ai récemment lu « Les passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui, dans lequel il est également question de la survie de la population sous ce régime dictatorial. Émouvant…
Merci pour l’idée de lecture Cristine 🙂 Je prends note!