> Quatrième de couverture <
La fillette meurt.
Voici le fait par lequel Estela commence son récit.
Estela, qui a quitté sa famille dans le sud du Chili pour la capitale où elle travaille comme employée de maison.
Estela, qui s’est occupée pendant sept ans de la jeune victime, l’a bercée, nourrie, rassurée, grondée aussi.
Qui connaît chaque étape ayant mené au drame : la chienne, les rats, les aveux, le poison, le pistolet.
Chaque étape jusqu’à l’inéluctable.
> Spécificités < * Editions originales : Robert Laffont, dans la collection Pavillons * Date de parution : 22/08/2024 * Nombre de pages : 272 * Traduit de l'espagnol (Chili) par Anne Plantagenet
Roman psychologique addictif, il est porté par la voix d’Estela, une domestique à demeure d’un riche couple chilien depuis 7 ans. Interrogée dans une salle mystérieuse, munie d’un miroir sans tain peut-être dans un poste de police, face à des individus qu’on ne connaît pas, elle nous conte son histoire afin de comprendre la terrible phrase : « La fillette meurt ». Est-elle la responsable ? Que s’est-il vraiment passé ? Ça y est la trame est lancée.
De son enfance dans le Sud du Chili aux conditions économiques difficiles, de son travail auprès de Madame et Monsieur dont leur condescendance en fait une violence quotidienne insidieuse, de l’« invisibilité » de cette employée de maison, de la naissance de Julia à son enfance, chacun des épisodes constitue un des rouages inhérents du drame.
Logée dans une pièce humide en prolongement de la cuisine, le quotidien d’Estela est rythmé par une solitude grandissante au fil des jours, malgré la présence de ses patrons avec qui la communication ne se limite qu’au strict nécessaire.
Evidemment, le lecteur est vite happé par l’histoire et veut comprendre où l’autrice, Alia Trabucco Zerán a décidé de l’emmener. Estela ne manque pas d’interpeller son auditoire et ainsi, le lecteur lui-même, ce qui est parfois déstabilisant. Pouvons-nous se fier à sa seule parole ? Est-elle saine d’esprit ? Tout cela fait monter crescendo le suspens.
J’ai beaucoup aimé la plume de l’autrice, bien que j’aie trouvé la façon de s’exprimer d’Estela un brin trop « parfaite » pour une domestique, qui est à la limite illettrée. Cela ne m’a pas gâché le plaisir de lecture : ce n’est qu’en me rappelant le livre que j’ai fait ce constat.
Ce monologue m’a fait penser à un livre français (dont je tairai le titre, afin de ne pas divulguer certains éléments) paru en 2016, qui remporta plusieurs prix et qui fut adapté au cinéma, dont l’épilogue est révélé dès les premières pages mais également dans la quatrième de couverture.
Dénonçant les inégalités sociales et les rapports de classes ainsi que les parents pressant leur enfant vers l’excellence dans tous les domaines, bien souvent au détriment des petits bonheurs offerts par la vie, ce monologue haletant en fait un roman intense, suffocant et puissant. Cela m’a donné envie de découvrir l’autre roman de cette autrice chilienne, « La soustraction », paru en 2021 aux Editions Actes Sud.
Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2025, dans la sélection d’octobre, catégorie fiction.